Transférer le pouvoir et redéfinir la philanthropie : Lancement des Principes pour le financement féministe

Par Beth Woroniuk

Dans un récent article du Guardian intitulé « How Philanthropy Benefits the Super-Rich » (Comment la philanthropie profite aux super-riches), l’auteur Paul Vallely affirme que « l’hypothèse courante selon laquelle la philanthropie entraîne automatiquement une redistribution de l’argent est erronée ». Il souligne comment bon nombre de puissants philanthropes évitent de payer de l’impôt et travaillent de manière antidémocratique. Dans ce contexte, nous devons nous demander si une pratique différente de la philanthropie, soit une pratique plus féministe, est possible.

La philanthropie fait les grands titres : la controverse entourant UNIS a soulevé des questions sur le fonctionnement des organismes de bienfaisance au Canada. La pandémie de la COVID-19 et le mouvement Black Lives Matter (La vie des personnes noires compte) soulèvent des interrogations sur la façon dont les organismes philanthropiques réagissent aux crises et aux possibilités qui se présentent. Au cours de l’année dernière, Mackenzie Scott, l’ex-épouse du milliardaire Jeff Bezos d’Amazon, a versé plus de 1,7 milliard de dollars US à des organismes voués à la justice raciale, à la défense des droits des LGBTIQ+ et à la santé publique. Comme toute chose, la philanthropie est politique.

La COVID-19 entraîne des conséquences dramatiques pour les femmes et les organismes féministes, au Canada et ailleurs dans le monde. Une seule statistique : l’ONU estime que d’ici 2021, pour 100 hommes âgés de 25 à 34 ans vivant dans une extrême pauvreté, on comptera 118 femmes, un écart qui devrait se creuser davantage à 121 femmes pour 100 hommes à l’horizon 2030.

Le moment est venu de se poser les questions suivantes : la philanthropie peut-elle être mobilisée pour soutenir un avenir féministe? Y a-t-il des philanthropes prêts à miser sur des organismes féministes?

Nous croyons que oui, sur les deux fronts.

Au Fonds Égalité, nous nous efforçons d’établir des pratiques philanthropiques nouvelles et meilleures. Des pratiques ancrées dans les valeurs féministes. Des pratiques qui favorisent et soutiennent le changement dans une optique féministe. Nous croyons qu’il est possible que les bailleurs de fonds progressistes passent d’un financement d’initiatives visant à « bénéficier aux femmes et aux filles », à un soutien aux organismes qui dirigent des mouvements et des actions collectives.

Et nous ne sommes pas seuls. Toutes ces personnes qui nourrissent de nouvelles visions de la philanthropie nous inspirent et nous guident.

À l’échelon mondial, nos fonds sœurs membres de Prospera, le réseau international de fonds pour femmes, partagent les bonnes pratiques et les enseignements en matière d’octroi de subventions féministes. Les fondations de Philanthropy for Advancing Women’s Human Rights (PAWHR) nous encadrent et nous soutiennent de multiples façons.

Nos récentes consultations avec des militantes féministes, coordonnées par l’Association pour les droits de la femme et le développement (AWID), ont permis d’obtenir des informations précieuses sur la philanthropie féministe, ainsi que d’excellents conseils. Et, bien entendu, nos relations avec nos partenaires bénéficiaires sont des éléments fondamentaux dans l’élaboration de nos pratiques en tant qu’organisme subventionnaire féministe.

Nous avons découvert le rôle central de la confiance dans l’établissement de nos propres relations; aussi, les discussions plus vastes sur la philanthropie fondée sur la confiance nous éclairent-elles et nous inspirent-elles.

Ici, au Canada, nous tirons une fierté de notre partenariat avec la Fondation canadienne des femmes (FCF) et les Fondations communautaires du Canada (FCC), notamment avec l’un des membres des FCC, la Toronto Foundation.

Depuis plus de deux ans, nous collaborons avec des collègues de la FCF et des FCC. Ces deux organismes ont joué un rôle important dans la mise sur pied du Fonds Égalité. Nous continuons de profiter des enseignements de leurs activités d’octroi de subventions, de création de programmes et de défense des droits au Canada. Notre nouvelle publication conjointe, Principes pour le financement féministe, est le dernier produit de ce partenariat.

Chaque organisme a apporté son expérience et ses rêves à l’effort collectif. Ensemble, nous avons élaboré un langage commun, et nos visions unies pour un avenir féministe nous ont permis de trouver les moyens de surmonter les divergences de nos points de départ.

Ce document sur les principes présente notre vision des bailleurs de fonds féministes, ces personnes et des organismes qui visent à « défaire » les structures patriarcales et coloniales et à établir des relations et des mouvements nouveaux. Il définit également le type de financement que nous souhaitons offrir à nos partenaires bénéficiaires : un soutien de base, souple et prévisible, qui respecte leur temps et leur bien-être.

Le pouvoir est inhérent aux relations philanthropiques. Alors que les philanthropes ont de l’argent, les activistes, qui impulsent le changement, travaillent généralement avec des budgets très limités. En nous efforçant de respecter ces principes féministes, nous espérons faire en sorte de rendre explicites ces dynamiques de pouvoir et de bâtir ensemble des relations qui transforment les inégalités au lieu de les perpétuer. Nous visons également à renforcer nos mouvements afin qu’ils deviennent plus résilients et plus efficaces.

La COVID-19 a mis en évidence l’interdépendance des enjeux relatifs aux droits des femmes au Canada et ailleurs dans le monde. Les discussions sur la façon dont la philanthropie peut aborder les droits des femmes et l’égalité des genres au pays et au-delà de nos frontières offrent des possibilités de rapprochement en portant le débat sur le développement mondial à de nouveaux publics canadiens.

Notre document Principes pour le financement féministe est évolutif. Nous y ajouterons des exemples pour illustrer ces principes dans la pratique. Il s’agit d’un parcours d’apprentissage pour les trois organismes et nous nous réjouissons à l’idée d’aborder la prochaine étape. Ensemble, nous affinerons ces principes en partageant ce que nous apprenons et la manière dont nous transformons le paysage de la philanthropie.

Le monde de la philanthropie est confronté à des défis. Dans l’article du Guardian dont il a été question plus haut, Vallely soutient également que la philanthropie peut être compatible avec la justice, et que les organismes subventionnaires progressistes doivent s’engager et travailler pour le changement social et politique. Les philanthropes féministes peuvent ouvrir la voie. Pour ma part, je suis impatiente de voir comment nos trois organismes continueront de bâtir notre vision commune et d’améliorer nos pratiques philanthropiques et d’octroi de subventions. Je suis enthousiaste à l’idée d’un dialogue entre activistes et philanthropes. Et je suis aussi curieuse de l’évolution de notre façon de parler de la richesse, de la solidarité, du pouvoir, de la décolonisation et de la justice de genre dans notre nouvelle (et difficile) réalité créée par la COVID-19.

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